Hommage à la ZAD, hommage aux 100 Noms 9 avril 2018 — par Jérôme Baschet et Rocio

L’expulsion de la ZAD est une ignominie. Sous couvert du respect de l’état de droit – discours qui ne tient que parce que médias et gouvernements ont depuis des années installé le stéréotype du zadiste extrémiste et ultra-violent –, l’État, sans doute désireux de venger le renoncement auquel il a été acculé, n’a fait que manifester l’usage d’une violence aveugle et destructrice.

Destructrice d’une expérience collective de lutte qui, par sa détermination et sa créativité, a pu sauver 1600 hectares de bocage et de forêt du bétonnage inutile auquel il était promis. Destructrice des projets de vie que beaucoup ont construit ici.
Destructrice du désir d’inventer un monde différent, porté par un sens du faire-commun et un autre rapport au milieu vivant. Un monde différent pour échapper au monde de la destruction.

Comme disent les zapatistes : « ils détruisent ; nous construisons »…

Et parmi tous les lieux détruits, avoir réduit à un tas de ruines les 100 Noms provoque une colère et une incompréhension toutes particulières. Il s’agissait d’une maison en bois chaleureuse et accueillante, où vivaient huit personnes. Ses habitant.e.s élevaient environ 80 moutons (deux agneaux sont nés dans la nuit précédant l’expulsion) ; ils avaient aussi développé d’autres projets agricoles. Aujourd’hui, un huissier, qui n’a même pas été en mesure de leur présenter un document d’ordonnance d’expulsion, leur a laissé dix minutes pour quitter les lieux, sans même pouvoir récupérer leurs affaires personnelles, avant que la maison ne soit abattue.

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Pour Greenpeace, « expulser et menacer de destruction un lieu de vie comme les Cent Noms où bergerie, potagers et autres projets agricoles fleurissent, illustrent l’absurdité de l’action du gouvernement sur place et de l’incohérence de son discours », alors même que la préfecture avait annoncé une évacuation ciblée, ne concernant pas ceux qui étaient désireux de s’inscrire dans des projets agricoles ou para-agricoles.

Alors, oui, c’est vrai, les 100 Noms, pas plus que d’autres habitant.e.s de la Zad, n’avaient déposé de projets individuels, comme l’exige la préfecture. Non pas parce qu’ils étaient opposés à toute forme de régularisation. Mais parce que toute leur démarche, depuis leur installation dans le bocage, a été collective et parce que le projet de vie qu’ils ont élaboré est collectif. Or, cela, la préfecture refuse de le prendre en compte. On voit donc bien que la lutte se joue entre deux mondes, entre deux conceptions du monde. Et que celle qui promeut les normes du monde de l’Economie entend s’imposer comme un rouleau compresseur, même si la route qu’il trace mène au désastre programmé.

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Marcel Thébaud, paysan historique de la ZAD, sourit tristement : « Les Cent Noms, c’est un lieu moteur que tout le monde reconnaît pour organiser la zone, faciliter les relations entre les composantes , préparer l’avenir avec des activités agricoles, intellectuelles et sociales. C’est
un lieu proche de la route D281 qui a eu un rôle de tampon, de modération pour chercher une solution universelle au sein de la ZAD. »
Les Cent Noms sont l’un des lieux de la zone à avoir le plus tissé de liens avec les paysan·ne·s historiques, le monde agricole local.
« Si on détruit les Cent Noms, on tue l’espoir et on sème la colère. »5 BASCHET4

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Alors, la tristesse est grande de voir à terre la maison des 100 Noms et sa bergerie, que quelques dizaines de personnes avaient tenté de protéger en se perchant sur son toit. Ainsi que bien d’autres lieux de vie et d’activités.

Mais la colère nourrit aussi l’élan solidaire et l’adhésion partagée au désir de vie qu’incarnent ces lieux.

Vive les 100 Noms, les 100 Noms renaîtront. Vive la ZAD, la ZAD vivra.

Jérôme et Rocio

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Pendant que les chars blindés des gendarmes tentent d’avancer, les agriculteurs se positionnent avec leurs tracteurs pour defendre la ZAD (11 avril)

 

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4 commentaires

  1. Merci Jérôme ! Nous sommes ravis de publier ton texte !
    Aujourd hui le 10 avril
    Voici le sms que j envoie au plus de personnes possibles :
    Mes amis de la Zad se battent actuellement pour défendre leur forme de vie face à 2500 CRS armés, véhicules blindés, qui gazent tirent des flashball grenades tabassent -détruisent leurs fragiles cabanes Une vingtaine de blessés déjà dont trois gravement à L hôpital ! 25 avocats ont écrits deux fois au gvt : ces expulsions sont illégales ! Pas de réponse – certains comme le collectif les -100 NOMS – ont une activité agricole déclarée depuis 5 ans et étaient en pourparler avec la préfète! LEUR TORT?refuser de faire une demande INDIVIDUELLE. Ils sont écrivains – naturalistes – architectes – agriculteurs bio artisans – etc pourquoi leur maison a été rasée hier ? L’état ne supporte aucune forme de VIE COLLECTIVE -Il veut des individus isolés suicidaires esclaves -Pour suivre la guerre : https://reporterre.net/Expulsions-sur-la-Zad-l-intervention-militaire-reprend Et aussi les flashs info de https://zad.nadir.org/spip.php?article5344 Attention aux médias! Bcp d’images faites par la police ! Merci de partager ! On nous traite, etudiants, migrants, cheminots, écologistes, etc. comme on traite la banlieue, et les pays où la France sévit !!etc. LA POLICE INTERNATIONALE DE L’ARGENT VEILLE! La France 3ème puissance militaire et NUCLEAIRE —— A Bure, un scientifique Bertrand Thuiller ose parler: si le projet Cigeo se fait, l’eau de Paris sera polluée! Sans compter les incendies ! Évident ! Ce sera trop tard pour pleurer! L enfouissement des DECHETS NUCLEAIRES est irréversible !L’allemagne tres proche sera contaminée aussi ! WAKE up !

    Je suis atterrée par les blessés mais si heureuse de la RESISTANCE qui S organise ! Ils tiennent merveilleusement bien sûr la Zad et je suis passée aujourd hui a Tolbiac a L ehess qui bloque pour la Zad puis au rassemblement pour Nddl et partout l’ambiance est bonne ! Les rencontres et discussions se
    Font —
    J y crois à fond ! CÉSAR 2 ET AU CARRÉ !!

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  2. 16h15 – Communiqué de la Confédération paysanne. « Hélicoptère, véhicules blindés, lacrymogènes et 2 500 nervis sur place… L’Etat est en train de déployer l’équivalent de près de 50 % des effectifs humains qu’elle a engagés dans ses opérations extérieures militaires à l’étranger. De quoi le ministre de l’Intérieur veut-il nous protéger ? Atelier bois, fabrique de pâtes et de bière artisanale, projets culturels, démarrage de production ovine, boulangerie, atelier mécanique, troupeau collectif bovin allaitant… sont autant de projets déjà existants sur place. Aujourd’hui, des paysannes et paysans en devenir ou en place se font expulser, ce qui est inadmissible ! »

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  3. 16h56 Sur Twitter, l’essayiste étasunienne Naomi Klein apporte son soutien à la Zad : « en attaquant une communauté utopique qui a été un modèle pour nombre d’entre nous, le gouvernement de Macron fait preuve de violence gratuite et de vandalisme ».

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  4. Lundi 9 avril – 20h15 – Un dernier récit de la soirée. Un soutien nous raconte : « Je suis allé aux Cent Noms pour tenter d’aider les habitants à sauver des choses dans les décombres où l’on voit des pots de confiture, des sachets de pâtes explosés. Là, une jeune fille en pleurs dont la petite cabane, à côté, a miraculeusement échappé à la pelleteuse me demande de l’aider à mettre ses affaires à l’abri. Hébétée, elle m’explique que son copain est l’un de ceux qui produit les graines pour la Zad, qu’elles séchaient dans les Cent Noms. Alors on va tenter de les chercher dans les ruines de la maison. »

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